Dimanche22Décembre - Année B
Sainte Françoise Xavière Cabrini
Mémoire Facultative

TDernier quartier
"Femme, voici ton fils ! - Voici ta mère!" ~ Mèsi Bondié pou sékou Manman Notre-Dame !

Théologie de l'intercession des Saints et de Notre-Dame

             Les procès de béatification et canonisation ne servent pas à « faire » des saints, ils ne visent simplement qu’à en reconnaître l’existence de la façon la plus authentique et sûre possible. L’ignorance et la mauvaise foi font que, parfois, on exagère ou minimise l’importance de cette reconnaissance officielle de la part de l’Église.

            A.- ON EXAGÈRE : 

            1) En s’imaginant la béatification ou la canonisation comme la déification d’un homme, oubliant la nécessaire distinction absolument fondamentale entre le Créateur et les créatures.
            Reconnaître l’exemplarité ou l’excellence de la vie d’un homme ne signifie pas du tout l’adorer, c’est-à-dire le situer en-dehors de la sphère créaturale et le mettre à la place de Dieu. Cela signifie tout simplement prendre conscience de l’œuvre de l’Esprit-Saint qui ne cesse de conformer les humains à l’image parfaite du Christ Jésus notre Plénitude. C’est comprendre pourquoi Paul pouvait dire : « Devenez à l’envi mes imitateurs, frères, et fixez vos regards sur ceux qui se conduisent comme vous avez en nous un exemple » (Ph 3,17). C’est découvrir avec gratitude la grandeur et la valeur de l’homme aux yeux de Dieu qui veut « demeurer en nous » et faire grandir « l’homme nouveau » jusqu’à ce que la mort nous ouvre les portes de l’infini, hors de l’exil d’ici-bas pour que nous allions « demeurer auprès du Seigneur » (2Co 5,8) « ce qui est, et de beaucoup, bien préfé­rable » (Ph 1,22) puisque dès maintenant nous participons de la nature divine (2P 1,4) mais en espérance puisque nous attendons la rédemption défi­nitive de notre corps (Rm 8,23) dans la Résurrection.

            2) En concevant l’intercession des saints d’une façon telle qu’ils seraient perçus comme des concurrents de Jésus-Christ, « l’unique Inter­cesseur », l’unique point de rencontre entre l’humain et le divin.
            Le Christ veut inviter tous les hommes à participer à l’œuvre du salut et c’est Paul qui disait : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église » (Col 1,24). Il n’y a aucune concurrence possible entre l’humain et le divin, au contraire si nos moyens limités peuvent avoir une quelconque « efficacité », c’est simple­ment en tant que fruits de la grâce divine en nous et Dieu se plaît à compter sur notre collaboration.
            La prière, quelle que soit sa forme, n’est jamais un pouvoir sur Dieu, au sens où nous pourrions le forcer à faire ce qu’il ne veut pas faire. Dieu n’est pas une puissance magique que nous pouvons utiliser au gré de notre volonté. D’ailleurs, par le fait que la toute-puissance divine est toute-faiblesse d’amour face à notre liberté, - il ne peut pas nous obliger à l’aimer - , notre prière est simplement cette ouverture constante de notre liberté à sa volonté pour ne pas être un frein à son plan d’amour. Nous pouvons vraiment empêcher la toute-puissance de sa toute-faiblesse de nous envahir et nous transformer pour agir à travers nous en faveur de nos frères. Voici à quel niveau l’intercession « fonctionne » : au niveau de notre totale ouverture, au niveau de notre intimité avec le Christ, au niveau de notre docilité à l’Esprit, « car nous ne savons pas prier... » (cf. Rm 8,26). Quand nous pourrons dire « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi... » (Ga 2,20) nous comprendrons que « la supplication fervente du juste a beaucoup de puissance » (Jc 5,16) parce qu’il n’a aucune barrière en lui qui freinerait l’œuvre de la grâce. Sa prière n’est que le prolongement de l’incarnation, du dialogue éternel d’amour entre le Père et le Fils par l’Esprit. Alors nous pouvons dire comme le Christ : « Père, que ta volonté soit faite... »

             B.- ON MINIMISE :

             1) Quand on dit que la sainteté est impossible et qu’on ne voit que les faiblesses humaines.
            En reconnaissant la sainteté d’un de ses fils, l’Église ne déclare pas son impeccabilité, mais plutôt sa lutte constante contre le péché (dans le cas de Notre-Dame, sa victoire constante sur le péché par la grâce de son Immaculée Conception), son effort permanent de croissance dans la vertu. Au fond, plus une vie s’allonge, plus la lutte devient acharnée. La plupart des saints que l’Église a canonisés recourraient fréquemment au sacrement de la réconciliation. S. Jean nous dit que « si nous disons : “nous n’avons pas de péché”, nous nous abusons... nous faisons de lui un menteur » (1Jn 1,8.10), « le juste pèche sept fois par jour » (cf. Pr 24,16) [1] et Ste. Thérèse d’Avila affirme que « le péché véniel est mortel à son cœur ». Nous comprenons alors que plus l’intimité avec le Christ devient profonde, plus la conscience de la laideur du péché s’aiguise, s’affine.
            Les saints ne sont donc pas des impeccables, mais des lutteurs incorrigi­bles. C’est l’intensité de leur amour pour Dieu et le prochain qui est le thermomètre de leur « sainteté » au sens d’exemplarité. Les faiblesses humaines que nous pouvons toujours retrouver chez eux nous permettent de mieux mesurer le travail énorme de la grâce dans le façonnement de leur être intérieur. Si la sainteté était impossible, Dieu ne nous y convierait point : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5,48), il fait lever son soleil sur les bons et les méchants. « Et voici quelle est la volonté de Dieu : c’est votre sanctification ! » (1Th 4,3), alors « Père, que ta volonté soit faite ! »

             2) Quand on prétend que les saints ne jouent aucun rôle dans la vie du chrétien, ou parce qu’ils sont morts ou encore parce qu’ils n’ont aucun « pouvoir ».
            C’est méconnaître la pédagogie divine que de croire que les autres, ceux qui vivent ou ont vécu la foi, n’aient aucun lien avec nous. À part le fait que nous sommes membres du même corps du Christ ressuscité où il n’y a plus de division et où rien, même pas la mort, ne pourra nous séparer de son amour (Rm 8,35-39), nous oublions que Dieu se sert toujours des autres pour nous communiquer son amour et, de nous, pour le commu­niquer aux autres (Rm 10,14-17). Ce n’est pas en terme de « pouvoir » que s’exprime cette relation entre nous devant Dieu, mais en terme de « servi­ce »... chacun lavant les pieds des autres...
            Que sont les anges se demandait l’auteur de la lettre aux Hébreux ? et il répondait : « Est-ce que tous ne sont pas des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter le salut ? » (He 1,14).
            De la même façon maintenant, « vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, et de myriades d’anges, réunion de fête, et de l’assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux, d’un Dieu Juge universel, et des esprits des justes qui ont été rendus parfaits, de Jésus médiateur d’une alliance nouvelle, et d’un sang purificateur plus éloquent que celui d’Abel » (He 12,22-24).
            Toute cette réalité est une unité parfaite parce que tout est récapitulé dans le Christ, il est le « caput », la tête, le chef du « plé­rôme » (plénitude) de l’univers qu’il remplit (Ep 4,10) et c’est de lui que vient tout don parfait pour l’Église son Épouse. À chacun il a confié une tâche et nul n’est insignifiant ou inutile. Pour ce qui est de la mort, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons nos frères et nous croyons dans le Ressuscité qui nous dit : « Je suis la Résurrection et la vie, celui qui ... vit et croit en moi, ne mourra jamais ! Crois-tu cela ? » (Jn 11,25-26).

             3) Quand on considère que l’Église ne peut pas se prononcer sur la sainteté d’un de ses fils.
            Si l’Église ne peut pas se prononcer sur la sainteté de ses fils, elle n’a non plus rien à dire aux hommes d’aujourd’hui, elle n’est plus porteuse d’une Bonne Nouvelle, bonne dans la mesure où elle montre aux hommes la vraie direction à suivre pour se réaliser, bonne parce que c’est possible de vivre la nouveauté apportée par le Christ puisque tant d’hommes au cours des siècles, dans les conditions les plus adverses ont réussi à le faire, bonne enfin parce que les moyens sont à notre portée quel que soit notre âge ou notre situation.
            La lenteur de l’Église dans les procès de canonisation est une preuve de prudence et la nécessité d’un "signe", d’un "miracle" pour se prononcer en faveur d’un serviteur de Dieu est une garantie pour notre foi. Le Christ disait à ses apôtres qu’ils feraient encore de plus grands miracles que lui (Jn 14,12), il leur a parlé des signes qui accompagneraient leur prédication (Mc 16,17-20) et leur a bien fait comprendre que ce ne serait pas un pouvoir à posséder mais un don à accueillir de la part de l’Esprit (1Co 12,10). Si l’ombre de Pierre guérissait les malades, si les mouchoirs qui avaient touché le corps de Paul en faisaient autant (Ac 5,15 ; 19,11-12), si « la prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera » (Jc 5,15), si nul ne peut dire que « Jésus est Seigneur » sauf sous la mouvance de l’Esprit Saint (1Co 12,3), nous comprenons alors l’attitude de l’Église qui ne cherche pas à tenter le Seigneur par incrédulité (Mt 16,1-4), mais qui croit que le Seigneur lui indiquera la direction à suivre tout au long de son histoire parce que « les portes de l’Enfer ne prévaudront point contre elle » (Mt 16,18) et le Christ sera avec elle jusqu’à la fin des temps (Mt 28,20) accompagnant de signes l’œuvre des disciples (Mc 16,17).

[1]   « Le juste tombe sept fois et se relève, mais les méchants trébuchent dans l’adversité » (Pr 24,16) ; cf. Jb 5,19 : « Six fois dans l’angoisse il te délivrera et une septième le mal t’épargnera ».

 

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