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La Vénérable Elisabeth Lange - Biographie - 1 

Première biographie d’Elisabeth Lange

Manuscrit original de Mère Theresa Catherine Willigman
Dédicacé et présenté à Mère M. Magdalen Cratin comme un bouquet de fête
Date : entre 1897 et 1912 


Présentation

Cette première biographie de Mère Lange, rédigée entre 1897 et 1912, nous rapporte des incidents qui ont été probablement personnellement vécus par l’auteur ou qui appartenaient déjà à la tradition orale de la Communauté des Obaltes, par exemple l’« incident du chatouille-ment » ou encore la rigueur de Mère Lange quant au silence après 8h00p.m., etc.

On peut donc se fier au témoignage de l’auteur malgré certaines imprécisions chronologiques par rapport à des personnages ecclésiastiques.

Elle affirme que Mère Lange serait née à Santiago de Cuba et semble insister sur cette origine cubaine en mentionnant les souvenirs d’enfance.  Cela correspond aux données du recensement de 1870 et de 1880 contredisant celui de 1860 (qui la fait naître à Saint Domingue, Haïti) et de 1850 qui indiquent plus vaguement encore qu’elle serait née « in West Indies ».

De fait, la maman d’Elisabeth Lange viendra la retrouver de Matanzas, Cuba et Mère Lange outre le français parlait aussi l’espagnol.

Mais son ascendance haïtienne est clairement prouvée tant par ses déclarations (« Je suis française dans l’âme ») que par les liens de toute la communauté créole de Baltimore avec Haïti, par la lettre du P. Joubert de la Muraille au P. Colman (6 avril 1832), sans oublier le fait que sa sœur, Mme Seguin se soit établie en Haïti avec ses deux filles.  Son mari périra lors du tremblement de terre de 1842 alors qu’ils habitaient au Quartier-Morin, comme nous le révèle la correspondance de Mère Lange avec le Vénérable Pierre Toussaint par le truchement de Fanny Montpensier.

C’est Sœur Willigman qui nous fait savoir qu’une des nièces de Mère Lange était présente à ses funérailles en  1882. 


Au début du manuscrit de Thérèse Willigman, on a ajouté un résumé dactylographié de la vie de l’auteur rédigé  par sa sœur Charity Grant Willigman.  Les deux furent  accueillies comme « orphelines » ou « enfants de la maison » dans les premières années de la communauté Oblate.  En voici la traduction :

Résumé de la vie de Mère Theresa Catherine Willigman, sixième Supérieure Générale des Soeurs Oblates de la Providence, rédigé par sa soeur, Mme Charity Grant Willigman Richard de Philadelphie, peu après la mort de Mère Theresa, le 9 février 1912.

Mère Theresa C. Willigman, O.P., du Couvent de St Frances, East Chase St., a été en contact avec la communauté depuis son enfance, à l’age de 5 ou 6 ans. Elle, ainsi qu’une gentille soeur âgée d’environ 3 ans, y ont été placées à la demande d’une mère mourante convertie au catholicisme.

Avant son admission dans l’Ordre, Mère Theresa s’appelait Sarah Elizabeth Willigman. Sa sœur, Charity Grant Willigman, et elle ont toutes les deux été formées dans ladite école. A l’âge de 16 ou 17 ans, elle décida de faire son choix dans la vie et est entrée au noviciat de la communauté. L’autre sœur abandonna alors le couvent pour rejoindre son père, à l’époque à Morristown, N.J. Pendant quelques années, elle ne vit pas sa chère sœur. Par la suite, cette chère sœur remplit toutes ses obligations de manière satisfaisante et fut une fidèle travailleuse dans toutes ses activités. Professeur dans plusieurs branches de l’enseignement scolaire, elle aimait son travail de plus en plus. Il y a de cela 53 ans, elle a été nommée adjointe à la Supérieure ; plusieurs années plus tard, elle fut nommée Supérieure. Elle a rempli cette fonction pendant 15 ans, et depuis 14 ans, elle a abandonné ce poste pour enseigner à l’Académie. Elle a réalisé de ses mains plusieurs fines pièces de travail fait avec grand soin, tapisserie qu’elle a travaillée avec plaisir jusqu’à quelques semaines avant sa mort. Cinq de ses sœurs lui ont survécu, sa sœur chérie qui avait été élevée au couvent, et qui est maintenant Mme Charity Richards de Philadelphie, a eu la permission d’arriver au couvent à temps pour être avec sa chère sœur jusqu’à ce qu’elle fut rappelée, en récompense, au Paradis.

Le tableau de son lit de mort était très imposant. Le Cardinal Gibbons et l’Evêque O. B. Corrigan ainsi que d’autres Révérends Pères avec les chères Sœurs et la chère Mère Frances ont assisté à sa paisible entrée dans le repos.

Ses funérailles furent chantées par 14 prêtres et Monseigneur Corrigan officiait. Mère Theresa, comme on l’appelait, vêtue de l’uniforme de sa communauté, dans un cercueil [dont l’intérieur était] orné de tissu noir, entourée de beaux emblèmes, de chandelles et de fleurs, est restée exposée toute la journée du Samedi et du Dimanche, visitée par de nombreux amis affligés. Oh, pourrai-je jamais l’oublier, non, non chère Mère et chères Sœurs.

 Charity Grant Willigman.


 

SOUVENIR D’AMOUR ET MÉMOIRE RECONNAISSANTE DE LA FONDATRICE DES SŒURS OBLATES DE LA PROVIDENCE, SR. MARY, ETABLIE À BALTIMORE LE 5 JUIN 1828, A PRONONCÉ SES VŒUX LE 2 JUILLET 1829, A CÉLÉBRÉ SON JUBILÉ D’OR LE 2 JUILLET 1879, EST MORTE LE 3 FÉVRIER 1888, PREMIÈRE SUPÉRIEURE DES SŒURS OBLATES.

 

/1/ L’amour d’un enfant pour une mère dévouée est l’image de l’amour d’une Religieuse pour la Communauté qui l’a accueillie, a pris soin d’elle, dans la santé comme dans la maladie, et l’a consolée à sa dernière heure.

Ce récit est rédigé et dédicacé à la Rév. Mère Madgalen comme un Bouquet de fête. On voudra bien pardonner ses nombreuses imperfections car les événements sont passés et avec le temps, la mémoire n’est plus fidèle ; toutefois il peut présenter un certain intérêt et apporter quelque plaisir, non seulement à ceux qui la connaissaient, mais également à celles qui ont rejoint la communauté après sa mort.

/2/ Miss Marie Elisabeth Lange, née à Santiago, à Cuba, a abandonné son foyer natal et ses amis uniquement parce qu’elle voulait servir Dieu, mieux que si elle était restée chez elle. Elle a sacrifié ce à quoi le monde accorde le plus de valeur : l’argent, une vie de plaisirs et un foyer confortable.

Elle est arrivée à Charleston au début du 18è siècle mais n’y est pas restée longtemps. Son prochain lieu de résidence a été Norfolk, après quoi, elle est venue à Baltimore, Md où elle a ouvert une école pour les enfants des deux sexes ; c’était, à l’époque, la seule école catholique, et comme il y avait un grand nombre d’immigrants en provenance d’Hayti, et des îles, les parents n’ont pas mis beaucoup de temps /3/ à placer leurs enfants à l’école de Miss Lange. Deux braves amies venant d’Hayti l’assistaient, ainsi qu’une jeune fille remise à ses bons soins par sa mère ; la vocation de cette dernière pour soigner les malades l’appelait très souvent loin de sa maison.

A cette époque, elles allaient à l’église à la Chapelle Ste Marie, au Séminaire. Leurs Directeurs, les saints pères Babarde et Tessier, d’heureuse mémoire, les ont encouragées et ont allégé les nombreuses difficultés qu’elles avaient à endurer. Ces saints Directeurs étaient loin de penser qu’ils servaient de guides à celles qui devaient se donner à Dieu.

/4/ Dans le secret de leur coeur, souvent Miss Lange et ses pieuses assistantes si dignes, ont souhaité qu’il leur soit possible de consacrer leur vie à Dieu ; mais vu que cela paraissait impossible à leurs yeux, elles ont continué sans rien dire à diriger leur école, qui étrangement était remplie d’enfants issus des familles les plus intelligentes de Baltimore. Cependant, laissez-moi ajouter ici qu’il n’y avait aucune distinction d’aucune sorte parmi les élèves. Un grand nombre d’entre eux, en provenance de la classe la plus pauvre, qui n’avait aucun moyen de payer leur scolarité, ont été admis. Plus tard, on verra comment, dans beaucoup de cas, ces pauvres, méprisés, lui ont apporté leur aide et sont devenus des modèles de vertus dans leurs foyers.

/5/  Quelques années plus tard, pendant le terrible massacre et le soulèvement des indigènes à San Domingo en 1794, la vie de nombreux riches Français, marchants et planteurs, qui s’étaient établis en Hayti, s’est trouvée menacée. Ils ont cherché refuge aux Etats-Unis, spécialement dans la ville de Baltimore. Un jeune homme noble, qui ne faisait pas valoir son titre de noblesse, car qu’il se faisait appeler simplement M. H. Joubert, au lieu de « M. Jacques Hector Nicholas Joubert de la Muraille », est devenu un Professeur dans l’une des Académies les plus prestigieuses, dirigées par Madame Lacombe. C’est là que l’élite française de la ville allait à l’école, vu que c’était la seule institution dans ce genre.

/6/ M. Joubert, après quelques années passées à l’Académie, se sentant appelé à la prêtrise est entré au Séminaire Ste Marie, sous la direction des Pères Sulpiciens. Après avoir achevé ses études, il a été ordonné et on lui a confié la tâche d’enseigner le cours de Doctrine Chrétienne. Il fut très zélé pour cette fonction et déploya tous ses efforts pour enseigner à ces pauvres enfants ignorants. En voyant qu’il réalisait très peu de progrès, vu que les cours qu’il dispensait étaient négligés tous les Dimanches, il pensa qu’un autre plan pourrait produire de meilleurs résultats. Les parents étant incapables d’enseigner à leurs enfants, il essaya de voir comment il pourrait remédier à cette difficulté.

/7/ Il fit part de ses difficultés à ses chers amis les Rév. Pères Babarde et Tessier. Il leur exposa son audacieuse idée d’avoir une Communauté Religieuse, si possible, qui pourrait se dévouer à faire ce travail. Mais il ne savait où trouver des sujets préparés à remplir cette tâche. Dans de ferventes prières il demandait la lumière. Ces deux Rév. Pères l’ont encouragé et lui dirent : Nous avons pour le moment sous notre direction quatre pieuses personnes qui sont tout indiquées pour ce que vous proposez. Le Rév. M. Joubert n’hésita pas à les appeler pour une rencontre sur le sujet. L’entrevue fut satisfaisante. Avec grande humilité elles ont exposé leur souhait secret, bien qu’elles n’avaient aucune idée sur la manière de le réaliser.

/8/ Il leur semblait complètement impossible. Le Rév. Père Joubert remercia Dieu en son cœur d’avoir ouvert la voie à la réalisation de son plan. Il les encouragea à persévérer dans leurs saints désirs et à prier avec grande ferveur au moment de visiter le Saint Sacrement, sa chère dévotion.

Aussitôt après les avoir laissées, il se rendit à la Chapelle au Séminaire, il pria pour obtenir la lumière et le courage pour l’extraordinaire tâche qu’il se sentait appelé à accomplir ; en même temps, il voyait à l’avance les obstacles qui s’érigeaient sur sa route. Mais son noble cœur ne recula pas, le salut des âmes immortelles et abandonnées constituait pour lui un principe directeur qui l’exhortait à aller de l’avant. Confiant en Dieu et en la Sainte Mère, il était résolu à essayer de mettre à exécution le grand projet qu’il avait à l’esprit.

/9/ Sa prochaine étape consistait à informer ses amis les Rév. Messieurs Babarde et Tessier des bonnes dispositions des quatre aspirantes. Ils partagèrent sa joie, et ensemble, ils firent tout de suite des plans pour commencer le travail. Le Supérieur du Séminaire, le Rév. L. R. Deluol n’était pas tenu à l’écart de cette importante affaire. Le Rév. M. Joubert lui ouvrit son cœur librement, vu qu’il savait que son Supérieur était très intéressé par la question ; il n’eut point à regretter de lui avoir fait confiance. Le Très Révérend M. Deluol donna son plein accord et offrit de le présenter à l’Archevêque de Baltimore, le Très Rév. Jas. Whitfield, alors Coadjuteur, l’Archevêque Mgr. Maréchal étant empêché par la maladie de s’occuper des affaires du Diocèse.

/10/ La Divine Providence visiblement permit à ces saints personnages d’avoir en leur pouvoir les moyens d’assister le Rév. M. Joubert. Ils entamèrent joyeusement le projet d’établir une Communauté Religieuse de Femmes de Couleur pour l’éducation chrétienne des filles de couleur. Le Rév. M. Joubert a été avisé de suivre sa sainte inclination, d’écrire une Constitution pour le nouvel Ordre et, donnant gracieusement sa bénédiction et la promesse d’être pour lui un ami et un protecteur, assura la fonction de Directeur de l’œuvre.

Les quatre sujets choisis apprirent bientôt le succès de son plan. C’est avec gratitude et humilité qu’elles écoutèrent ses paroles et offrirent leurs services de manière respectueuse, bien que considérant comme une grande faveur le fait d’avoir la permission de se consacrer à Dieu dans la religion.

/11/ Des préparatifs ont été faits pour le premier démarrage du nouvel établissement. Le 5 juin 1828, les quatre dames ont commencé à vivre en communauté et dans un noviciat préparatoire. En même temps, elles continuaient avec leur école qui à ce moment comptait plus de soixante élèves. Parmi eux, quelques uns des enfants les plus raffinés dont les parents étaient, si non riches, du moins respectables, honnêtes et rudes travailleurs, ne trouvant aucun sacrifice trop grand pour le bien-être de leurs enfants. L’école étant située tout près du Séminaire Ste Marie, c’est là que les enfants se rendaient pour les instructions, la « Chapelle Basse », comme on l’appelait, hébergeait les cérémonies de Première Communion, qui constituaient l’un des grands événements pour M. Joubert, les professeurs, et spécialement les parents ainsi que les heureux communiants.

/12/ Les Soeurs changèrent leurs robes mondaines pour un simple costume religieux, nullement voyant, vu que le Rév. Fondateur était toujours contre les démonstrations extérieures. Les règlements furent élaborés et soumis au Très Rév. J. Whitfield, Archevêque de Baltimore.

Ses mots d’approbation étaient vraiment paternels et consolants, apportant un grand encouragement au Rév. M. Joubert.

Durant l’année préparatoire, il était très attentif à préparer les sœurs pour la grande consécration solennelle par la prononciation des Vœux en tant que Religieux. Une grande importance était accordée à ses conseils auxquels on obéissait ; toujours il faisait de la Charité, de l’Obéissance et de l’Humilité par-dessus tout, les vertus prédominantes devant être observées par celui qui se consacre à Dieu, et il n’était jamais fatigué de leur répéter « Soyez doux et humbles de cœur ».

/13/ Il avait donné un ordre du jour, spécifiant les prières, heures de réveil, méditation, Messe, heures des repas, visites au Saint Sacrement et à la Sainte Vierge, le Chapelet, la lecture spirituelle, les récréations, l’heure de se retirer pour se reposer.

2 juillet 1829

C’était le jour retenu pour la Profession solennelle des Sœurs. Par un grand et rare privilège, le Très Rév. Archevêque leur permit d’avoir la Messe dans la Maison. La meilleure salle avait été choisie et ornée du mieux que leur pauvreté le leur permettait.

Le Rév. M. Joubert célébra la Messe, et le Très Rév. L. Deluol assista et prêcha aimablement un sermon d’encouragement en la circonstance. La Bénédiction a également été donnée ; après avoir prononcé leurs vœux, les sœurs ont reçu la chaîne et le crucifix à porter sur leur cœur.

/14/ Les vénérés M. Chatard, Mme de La Rue et plusieurs autres amis étaient présents pour assister à la cérémonie. Chacun était profondément impressionné. Miss Lange était à ce moment Sr. Marie Elisabeth ; Miss Françoise Balas, Sr. Marie Françoise ; Miss Rosine Boegue, Sr. M. Rose; Miss Thérèse Duchemin, Sr. Marie Thérèse.

L’appellation du nouvel Ordre était: Soeurs Oblates de la Providence.

Sr. Marie a été élue Supérieure.

Le Rév. M. Joubert paraissait soulagé de l’anxiété des années passées. Il pouvait voir le résultat du fait d’avoir les Sœurs pour aider à enseigner aux enfants. Les instructions étaient bien respectées et le nouvel Ordre bien établi. Mais alors, commencèrent les difficultés. M. Laugh Jr., propriétaire de la maison située sur Pennsylvania Avenue, la résidence des Sœurs, souhaitait faire quelques réparations ; par conséquent il en avisa aimablement les Rév. Fondateurs que les Sœurs seraient /15/ obligées de déménager. Dans cette situation nouvelle et inattendue, le Rév. M. Joubert eut recours à l’aide infaillible : La Prière. Il fit part de la question à quelques amis qui l’informèrent que Dr. Perikins sur Greene Street avait une maison vacante sur George Street qu’on pourrait retenir. Il ne perdit pas de temps et reçut une réponse favorable. Par conséquent, les sœurs s’installèrent à George Street, près de Pennsylvania Avenue. On peut encore voir la maison. C’était le second déménagement, mais qui en valait vraiment la peine, car la maison était plus grande. Dans cette maison, les Sœurs, les jours de grandes fêtes, avaient le privilège de la Messe, et c’était proche du Séminaire Ste Marie, il était indiqué pour les Sœurs lorsqu’elles devaient aller à la messe, aux Vêpres et faire leurs visites quotidiennes au Saint Sacrement.

/16/ Le Rév. P. Joubert avait pour ce jeune couvent un amour paternel. Il se passait rarement un jour sans qu’il vienne encourager les Sœurs et leur apporter ses conseils. Il invitait aimablement tout prêtre ou évêque de passage dans la ville à visiter ses Sœurs. L’auteur n’aura pas suffisamment d’espace pour mentionner tous les noms ; mais, une fois, à la fin du Concile à la Cathédrale, il invita certains des évêques et des prêtres, avant qu’ils ne laissent la ville, à nous honorer d’une visite. Ils l’accompagnèrent volontiers, l’Archevêque de Baltimore, Rév. James Whitfield, le Vénérable Evêque Flaget de Bardstown, le Rév. M. Bruté et le Rév. M. Odin. Quelle journée de surprise et de joie pour les Sœurs ! Ils visitèrent l’école, posèrent quelques questions aux enfants, examinèrent leur écriture, leurs travaux d’aiguille, de couture, etc. et ils exprimèrent /17/ leur satisfaction par rapport à tout ce qu’ils avaient vu. Au moment de leur départ, le Rév. Fondateur pria l’Archevêque de bien vouloir donner sa bénédiction aux Sœurs. Il répondit avec un sourire, « Non, ce sont mes enfants et je les bénis tous les jours à la messe, mais en tant que le plus âgé et en tant que très Vénérable, l’Evêque Flaget va les bénir ». Il consentit volontiers à le faire et prononça quelques mots d’édification à l’endroit des Sœurs. Il les compta mentalement, puis, élevant la main pour les bénir, il dit « Vous êtes maintenant quatre ; dans trois ans vous serez douze. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, Amen ». Cette prédiction s’accomplit littéralement à la date prévue, vu que trois ans plus tard, le même jour, l’effectif de la Communauté était passé à douze.

/18/ Le très Rév. Monseigneur England, en apprenant par des visiteurs le récit de la plaisante visite à laquelle il n’avait pu prendre part en raison d’un engagement qu’il avait pris antérieurement, déclara qu’il ne pouvait quitter la ville sans visiter les Sœurs. Il passa à peu près une heure entière avec elles, jeta un coup d’œil sur le document de leurs règlements, et félicita notre Rév. Fondateur. Ses manières affables envers les sœurs et les enfants leur firent une impression favorable.

Avec l’augmentation du nombre de Sœurs et d’internes, la maison de George Street n’était plus assez spacieuse.

Une nouvelle résidence était nécessaire pour continuer l’œuvre. C’était une sérieuse difficulté, et au début il paraissait insurmontable. Les maisons n’étaient pas nombreuses, et de plus, personne ne souhaitait en louer pour faire une école. Père Joubert était vraiment /19/ perplexe, mais il ne perdit pas courage. Il recommanda l’affaire à Dieu avec ferveur, et demanda à tous ses bons amis de prier afin qu’il ne soit pas obligé d’abandonner cette bonne œuvre. Il rencontra son bon vieil ami Dr. Peter Chatard, lui fit part de la difficulté et des ses craintes de ne pas trouver une maison appropriée, assez spacieuse pour le Couvent et l’école. Le bon Docteur l’écouta et lui dit, « Pourquoi êtes-vous embarrassé ? J’ai une maison qui, je crois, avec quelques réparations pourrait vous convenir. Si vous voulez bien m’accompagner pour aller la visiter, je me ferai un plaisir de vous aider ». En remerciant son bon vieil ami, ils ne perdirent pas de temps. La maison fut retenue et tous les arrangements faits de façon satisfaisante, et les Sœurs déménagèrent à nouveau vers leur /20/ 3ème résidence. C’était à Richmond Street. Peu après leur installation, cette maison se révéla fort peu appropriée pour les Sœurs en raison de la distance à parcourir pour effectuer les visites régulières au Saint Sacrement telles que prescrites par le Règlement. Pour y remédier, Père Joubert sollicita du Très Rév. Archevêque d’accorder aux Sœurs le grand privilège d’avoir le Saint Sacrement dans leur maison. Avec son invariable amabilité, l’Archevêque agréa la demande à la grande joie de tous. La meilleure pièce de la maison fut vite apprêtée et ornée pour leur Saint Hôte qui devait y demeurer. Quelques précieuses reliques et objets de valeur ainsi que des tableaux ont été reçus et la petite Chapelle était, autant que le permettaient les faibles moyens, une demeure correcte pour le Roi des Rois.

/21/ Très souvent, le saint Sacrifice était offert dans leur petit Couvent.

Ceci peut paraître merveilleux pour celui qui lit ces quelques lignes, de voir comment quelques femmes pauvres, avec des moyens très limités, pouvaient s’arranger pour s’entretenir elles-mêmes, pour prendre soin de beaucoup d’enfants pauvres, car c’était le vœu exprimé par le Rév. Père Joubert, qu’il y ait toujours un certain nombre d’enfants qui étaient soit orphelins, soit dont les parents étaient incapables de payer pour eux, appelés « Les Enfants de la maison », à être pris en charge par les Sœurs ; et plus tard, beaucoup d’entre ces enfants devinrent de bons sujets de l’Ordre, apportant une grande consolation au bon Père Fondateur, par les services qu’ils rendaient. Cette charité était si touchante et tellement appréciée que beaucoup de /22/ ces bonnes gens offraient joyeusement leurs gains, des fois en se privant eux-mêmes de leur confort, afin d’aider la Communauté grandissante.

La Supérieure et ses compagnes partageaient tout ce qu’elles avaient. Sœur Marie, spécialement, recevait souvent de fortes sommes d’argent, que lui envoyaient les siens de Santiago ; mais elle ne gardait rien pour elle-même. En une seule occasion elle eut à solliciter une faveur. Sa mère était âgée et infirme et n’accomplissait pas ses devoirs religieux, alors elle demanda que sa mère soit admise au Couvent, de sorte qu’elle put revenir à Dieu. Cette faveur lui fut accordée avec joie. Lorsque sa mère devint pensionnaire au Couvent, les sœurs jouirent de beaucoup de moments agréables et amusants de temps à autre. Sœur Marie était très bonne mais observait le Règlement de manière très stricte et ne permettait aucune erreur. /23/ Sa mère, qu’on appelait « Dede » avait peur de sa fille, elle l’appelait « Maîtresse » ; et il est arrivé qu’une fois, peu avant la sonnerie de la cloche pour le silence, elle exécutait une danse cubaine pour les jeunes Sœurs, celles-ci étaient tellement enchantées qu’elles n’entendirent pas sonner la cloche. Tout à coup la vieille dame cria d’une voix forte « la Maîtresse arrive », et bien entendu comme cette dernière était assez proche elle dit « Il est huit heures dans toute la maison ». Pauvre « Dede », elle se retira rapidement, mais les Sœurs furent réprimandées. Je sais qu’à plusieurs reprises, Père Joubert prenait parti pour les jeunes Sœurs ;… En même temps, Sœur Marie était une bonne mère et lorsque quelqu’un tombait malade ou souffrait, elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour le soulager.

/24/ Dieu exauça les longues prières de la fille pour sa mère, cette dernière fit la paix avec Dieu et eut une fin heureuse.

Sœur Marie ne se ménageait jamais quand il y avait du travail à faire. Elle était la première à donner l’exemple, lorsque son premier mandat expira, elle fut succédée par Sœur Frances, la favorite de toute la Communauté ; même les enfants se rassemblaient autour de Sœur Frances à la recherche d’un sourire ou d’une caresse. Ceux qui se rappellent d’elle n’ont que des souvenirs plaisants de la bonne chère Sœur Frances. Après trois ans de service, Sœur Marie fut réélue, et peu après l’élection, le vénérable Supérieur de Ste Marie demanda à ce que deux Sœurs viennent superviser le travail des serviteurs car cela s’avérait nécessaire. Il n’était pas question de refuser [un service] à un si grand ami de la /25/ Communauté, alors, Sœurs Frances et Rose s’en allèrent au Séminaire, où leurs services furent appréciés par tous les Rév. Pères et les Etudiants.

Jusqu’en l’année 1845, les locaux de l’école servaient de salles de classe, de salles pour la Communauté, pour la couture des Sœurs, pour d’autres cours, et même souvent, pour le repassage des coiffes et des collerettes des Sœurs. Les Sœurs et les enfants prenaient leur récréation dans la même salle. Chaque jour, à 12h00, tous récitaient le chapelet ensemble, puis Sœur Marie lisait en Français un chapitre du Nouveau Testament ; après quoi, tout le monde passait à table pour le dîner. A 5h00 p.m., lecture spirituelle dans les mêmes locaux de l’école, les enfants y assistent, chacun travaillant assidûment à faire la couture ou le crochet. Après le souper, récréation jusqu’à huit heures vingt, à la sonnerie de la cloche ; les enfants et les sœurs prenaient leurs /26/ places respectives. A 9h30, on disait les prières du soir et tous se retiraient pour aller se reposer. Une nuit, il y eut un événement assez amusant. Parmi les élèves, il y en avait une au caractère particulièrement difficile, elle faisait toujours des espiègleries. Cette nuit, après la sonnerie de la cloche, elle se dirigea vers l’une de filles qui avait une peur bleue de Sœur Marie. Elle lui chatouillât les côtes et celle-ci poussa un cri de frayeur. Tous gardaient le silence, Sœur Marie appela l’enfant, cette dernière essaya d’expliquer à Sœur Marie ce qu’avait fait la fille espiègle, mais ne pouvant pas dire le mot en Français, elle chatouillât Sœur Marie. Les Sœurs ne pouvaient s’empêcher de sourire, mais l’une des Sœurs, qui avait vu le tour joué par Eugenie expliqua la situation à Sœur Marie qui réconforta l’enfant et administra une sévère réprimande ainsi qu’une punition à Eugenie.

/27/ Sœur Marie ne se ménageait guère, elle ne redoutait pas le travail : elle se reposait très rarement, et comme le Père Joubert recommandait que les Sœurs ne restent jamais oisives, même aux heures de récréation elles avaient toujours les mains occupées à faire quelques travaux ; le tricot était enseigné même aux enfants. On rencontrait quelques spécimens de bas assez comiques, particulièrement un bas où le talon mesurait en tout 20 pouces de largeur ; mais il ne se préoccupait pas de savoir si le travail était fait avec précision, du moment qu’il permettait d’éviter l’oisiveté. Cependant, il ne faudrait pas croire qu’on ne faisait rien d’autre que travailler ; les promenades hebdomadaires des Sœurs et des enfants, ainsi que des jours de récréation étaient très appréciés.

/28/ Au terme du mandat de Sœur Frances, Sœur Marie fut réélue. C’est sous le mandat de Sœur Frances que la Communauté fut affiliée aux Oblates de Rome, par l’aimable intervention de Rev. Messieurs Wheeler et Williamson, ainsi que le Rev. A. Kohlman, S. J. Ces bons Rev. amis étaient dévoués pour le Fondateur et faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour l’aider, en obtenant de nombreuses faveurs du Saint Siège.

Sous le second mandat de Sœur Marie, la vraie Chapelle et salle de classes fut construite, et la première Messe ainsi que la dédicace de la Chapelle à Ste Françoise fut un jour riche en événements. Le Rév. P. Joubert et la Communauté autant que leurs amis étaient pleins de joie et de gratitude envers Dieu pour cette grande bénédiction.

/29/ Le Rév. P. Joubert encouragea les Sœurs à confectionner des vêtements sacerdotaux. Il établit une correspondance avec M. Petit, de Lyon, en France. Les Sœurs achetaient des tissus de (M. Petit), et pendant longtemps les Sœurs recevaient des commandes autant qu’elles pouvaient satisfaire. De jeux de vêtements fait avec les meilleurs tissus étaient toujours disponibles, et l’auteur a vu, étant enfant, un jeu complet d’une valeur estimée à des centaines de dollars. Etant donné qu’il n’y avait aucun autre établissement de ce genre, alors cela représentait un bon revenu pour la Communauté.

Tout semblait progresser mais un nuage commençait à poindre ; ceci attrista les Sœurs. La santé de P. Joubert se détériorait, et bien que pendant longtemps il continua à veiller sur la Communauté, /30/ il était visible qu’il souffrait : malgré tout, il ne voulait pas laisser tomber. Sœur Marie et les autres Sœurs étaient troublées, mais toutes se joignaient en prière et résignation.

L’élection de Sœur Theresa Duchemin eut lieu en 1840 et Sœur Marie fut appelée au Séminaire en 1842 pour aider les Sœurs qui s’y trouvaient; l’aide utilisée faiblissait, de plus, à ce moment le cas de P. Joubert nécessitait des soins spéciaux car il était très malade. Au fil des jours, elles réalisèrent que, selon toute apparence, la fin était très proche, par conséquent, une quatrième Sœur vint aider à le soigner pour permettre aux Sœurs de se reposer un peu.

Le 5 Nov. 1845 fut un jour de chagrin pour les Oblates, à la mort de leur Bienfaiteur et meilleur ami.

/31/ Sœur Marie demeura au Séminaire et était fidèle aux devoirs d’une Religieuse, tandis qu’elle travaillait à assurer le confort du Rév Supérieur, de ses confrères et des Séminaristes. Sœur Frances n’a pas vécu longtemps après la mort du Rév. Fondateur, elle mourut au Séminaire et fut ramenée au Couvent pour y être enterrée. Les Sœurs Marie et Rose restèrent au Séminaire jusqu’en 1849, elles furent rappelées à la maison. Sœur Marie n’eut point une vie oisive, après être retournée à la maison, bien que assez vieille à cette époque, elle partageait les travaux de la Communauté. En l’année 1850 elle fut nommée Maîtresse des Novices, et bien qu’elle fût stricte dans son rôle, elle s’acquittait bien de sa tâche envers celles qui étaient placées sous ses ordres et représentait une maman pour elles.

/32/ Elle fut relevée de la charge en 1855, lorsque les dernières Novices prononcèrent leurs vœux.

En mai 1863, le Rév. Père D. Kraus, C.S.S.R., alors Directeur de la Communauté ouvrit une école à Fell’s Point, trois Sœurs en avaient la charge. Plus tard, Sœur Marie y fut nommée Supérieure Locale, mais en 1866, de bonnes raisons justifièrent la fermeture de cette école, alors Sœur Marie revint à la maison-mère. Elle continua à prendre part au travail de la Communauté, spécialement à la couture, et aux travaux manuels, lorsque ses forces le lui permettaient. Elle était exacte dans les exercices réguliers quotidiens et amusait souvent les Sœurs avec l’une de ses brillantes remarques. /33/ Souvent elle entendait les Sœurs, empêchées par quelques travaux de participer aux exercices de la Communauté, dire « Oh, je dois me dépêcher pour me rendre à la Chapelle et réciter le chapelet » ; alors un jour elle dit : « Ma Sœur, pourquoi ne dites vous pas, visiter le Saint Sacrement également ? Les deux ensembles ». Les Sœurs accueillirent gentiment sa remarque et depuis ce jour, ne séparèrent plus les deux dévotions dans leur langage. Sœur Marie était une érudite accomplie en Français et en Espagnol ; elle n’essaya jamais d’apprendre l’Anglais ; elle parlait et comprenait assez bien pour diriger la Communauté, bien que dans le domaine des affaires, Sœur James Noël de Wilmington, Del. Etait son bras droit. A la mort de Sœur James, Sœur Theresa Duchemin et Sœur Marie Louis Noël prirent la relève.

/34/ En 1871, la ville s’étendit de Park Street à l’ancien Couvent. Ce dernier, bien que nécessitant des réparations, était cher aux anciens membres, à cause des nombreux souvenirs heureux des débuts de la Communauté ; des beaux jours où leur vénéré Fondateur disait la Messe, prêchait, instruisait les enfants dans leur sainte religion, la 1ère Communion, dans la bonne vieille Chapelle de St Frances ; plus tard par les nombreux vénérés évêques, saints prêtres, qui, toutes les fois qu’ils avaient assez de temps pour passer par Baltimore, disaient la Messe et encourageaient les Sœurs. Nombreuses étaient les marques de faveur démontrées à l’égard des Sœurs. Dans leur gratitude et leur amour, elles les attribuaient toujours à leur vénéré Fondateur, même après sa mort, lorsque pendant des années elles étaient presque abandonnées.

/35/ Il leur restait une grande consolation ; elles jouissaient encore de la présence de Notre Seigneur dans le Saint Sacrement du Tabernacle. Ce grand privilège leur avait été obtenu par les nobles efforts du Rév. Anthony Kolhman, S. J. et le Rév. Père Wheeler, en charge des Sœurs de la Visitation. Leur chère Chapelle constituait pour elle un refuge dans l’épreuve. Père Joubert considérait ces deux saints prêtres comme ses amis les plus chers, il répétait souvent qu’ils avaient fait beaucoup pour lui, en sollicitant auprès du Saint Siège des faveurs qui n’étaient jamais refusées, spécialement l’approbation par le Pape Grégoire XVI, le 2 octobre 1851, un jour de commémoration et de reconnaissance pour ce privilège. Les Oblates ne doivent jamais oublier à qui elles doivent autant de bénédictions et être reconnaissante à ce saint Ordre tout au long de leur vie.

/36/ Veuillez pardonner cette longue digression, mais elle était nécessaire. Le Rév. Père Miller, S.J., sentant dans son cœur paternel combien il leur coûtait de se séparer de leur cher Couvent, et particulièrement la Chapelle, fit les arrangements pour que deux Sœurs se rendent au nouveau Couvent inachevé pour préparer la levée du St Sacrement ainsi qu’une salle pour les Sœurs Marie, Rose, Scholastique et Sébastien. Rapidement elles s’installèrent confortablement bien qu’il restait des travaux à terminer, il n’y avait pas d’eau, pas d’installations de cuisine, mais Notre Cher Seigneur était présent dans la nouvelle demeure. Sa présence créait une atmosphère de sécurité pour elles. Le 17 Août, après un long et fatigant processus de déménagement, il y avait un peu d’ordre.

/37/ La Retraite Annuelle devait avoir lieu plus tôt, mais en raison du déménagement elle a été reportée. Vu qu’il était tard, nous redoutions qu’il n’y ait pas de Retraite cette année-là, mais un cher et saint ami de la Communauté, le Rév. J.A. Strong, S.J. s’est offert généreusement pour faire le travail. Le même jour, le 18 Août, le Rév. P. Miller, assisté du Rév. H. Hoffman, un autre ami considérable, un Propagandiste, bénirent la chapelle, placèrent Notre Cher Seigneur dans son tabernacle, dirent la Messe et donnèrent la 1ère Bénédiction au nouveau Couvent.

Les voisins étaient heureux d’avoir une Chapelle aussi proche, bien que un nombre considérable de familles étaient mal disposées (à l’accueillir) et firent tout ce qui était en leur pouvoir pour troubler la paix du Couvent. Les Sœurs étaient obligées de faire appel au Maire pour leur protection.

/38/ Au cours de la retraite qui débuta dans la soirée du Dimanche, le Rév. Père Strong n’a pas manqué de faire une Instruction sur la méditation, etc. bien qu’à certains moments il était pratiquement impossible d’entendre quoi que ce soit, à cause du bruit que faisait le marteau des charpentiers qui travaillaient encore.

Toutefois, nous étions reconnaissantes au bon Père Strong, vu que son séjour à Baltimore était limité, car il avait été nommé Professeur à Georgetown, D.C. pour la session d’ouverture du 5 Sept.

Sœur Rose Boegue mourut quelques mois après que nous ayons laissé Richmond Street. Elle avait été l’amie de Sœur Marie toute sa vie, du moins, durant sa vie de Religieuse. On pouvait remarquer après la mort de Sœur Rose, que Sœur Marie commençait à faiblir. Elle devait pratiquer les exercices quotidiens de la Communauté dans sa chambre, on lui apportait ses repas /38/ ce qui lui répugnait, car elle détestait d’avoir à se faire servir. Lorsque la Messe était dite dans la Chapelle les Dimanches et les jours de fête, deux Sœurs étaient obligées de l’aider à se rendre à la Chapelle.

Les autres jours, le Rév. Père Miller, S.J. lui apportait toujours la Sainte Communion dans sa chambre. L’infirmité avait pris le dessus sur Mère [Marie]. Elle aimait beaucoup la lecture, et gardait précieusement dans sa chambre plusieurs gros volumes, aussi gros que la Bible, des vies des « Pères du Désert ». C’est avec tristesse qu’on constatait que sa vue baissait. Le premier triste indice de cette baisse de la vue fut découvert heureusement par accident, et si elle n’avait pas donné l’alarme, l’incident aurait pu avoir une fin fatale. Elle faisait ses dévotions quotidiennes, et avait posé une chandelle /40/ sur une chaise devant elle et il semble qu’elle s’endormit, car tout d’un coup son voile était en flammes, elle se réveilla, ôta son voile et frappa la canne qu’elle avait toujours avec elle. Mère Louis et les Sœurs arrivèrent rapidement, elles étaient très alarmées. Ce n’était pas facile après, car personne ne savait ce qui s’était passé lorsqu’elle s’était retrouvée seule.

Quelques années plus tard, elle paraissait enchantée lorsque les enfants venaient la visiter dans sa chambre, et leur babillage enfantin l’amusait. Un jour, une petite fille qui l’avait entendu dire qu’elle était « une Française dans l’âme » s’arrêta soudain et dit « Oh, Sœur Marie, est-ce que votre âme est française également ? » Tout le monde en a ri, et c’était très amusant pour tous ceux qui étaient présents.

/41/ Sœur Marie aimait raconter aux jeunes Sœurs les coutumes à Santiago et les processions qu’on y faisait, mais pour intéressants qu’étaient les faits qu’elle racontait, si la cloche pour le silence avait sonné, elle mettait immédiatement fin au récit.

Une cérémonie qu’elle a rapportée en particulier était que avant de devenir religieuse, à la veille de la fête de Noël, on passait la nuit en prière devant un petit berceau très bien décoré dans le style espagnol. A 11h30, chacun se rendait à la chambre de son voisin, en chantant un chant de Noël en Français, que l’on traduit comme suit : « Viens vite, voisin, le Sauveur du Monde vient de naître : hâte-toi mon voisin, cours mon voisin, etc. » On chantait et dansait en même temps.

/42/[cf. /47/]

/43/ Au cours de l’année 1879, le grand événement dont ont parlait beaucoup et que l’on attendait avec joie était le Jubilée d’Or des Oblates, ainsi que les 50 ans depuis que Sœur Marie et ses trois compagnes avaient prononcé leurs vœux. On espérait vivement qu’elle aurait le temps de fêter cet Anniversaire. Le 2 juillet 1879, l’aube parut lumineuse et belle. La petite Chapelle offrait un beau spectacle. Au-dessus du siège de Sœur Marie, le Sacristain, la bonne Sœur Dominica avait arrangé une cloche faite de fleurs parfumées ; elle souhaitait avoir une couronne d’or, mais Sœur Marie, dans son humilité, ne l’aurait pas permis. Nous avons décidé que la cloche était suffisante. Une des élèves, Miss Manita Roberts, de New Orléans, offrit un jeu de chaises pour le Sanctuaire. Père Anwander offrit un beau Missel en cadeau.

/44/ Les différents Ordres Religieux, par leurs lettres de félicitation, ont montré leur vif intérêt pour cette glorieuse fête. Les Sœurs du Cœur Immaculé de Marie on envoyé une belle lettre, ainsi qu’une généreuse donation. Le Très Rév. Archevêque Gibbons arriva dans l’après-midi. Le Rév. Père Anwander, C.S.S.R. a chanté la Grand’Messe, avec Diacre et Sous-Diacre. Le Rév. C. H. Denny, du Loyola College prêcha un sermon très touchant et très encourageant. Nous nous souviendrons de ces mots de consolation, spécialement des mots de clôture, « Allez chères Oblates de la Providence, et en ce jour, élevez vos cœurs vers Dieu avec joie en action de grâces et chantez le Magnificat ».

Les Rév. Pères ainsi que les visiteurs présentèrent leurs respects à Sœur Marie, qui les reçut avec remerciements et respect.

/45/ Les élèves de l’Académie présentèrent la pièce de théâtre « Youthful Martyrs of Rome » [Jeunes martyrs de Rome]. Le Très Rév. Archevêque était présent et semblait très intéressé par la représentation. Par la suite, il donna sa Bénédiction et, en compagnie des Rév. Pères se rendit à la salle de la Communauté où l’on servit un très élégant souper. De la vaisselle de choix avait été envoyée de Philadelphie par la famille Augustin, traiteurs, des amis très estimés de la Communauté. Le nombre de visiteurs était tellement important qu’il n’y avait pas de salle d’attente. Mme Austin Jenkins, et Mme Judge Parking Scott étaient du nombre. Elles présentèrent leurs respects à Sœur Marie, ainsi qu’une donation. Sœur Marie était très fatiguée et tout de suite après, se retira dans sa chambre.

/46/ Après le Jubilé, Sœur Marie commença à montrer des signes de fatigue grandissante ; il lui fallait s’appuyer sur deux Sœurs pour se rendre à la Chapelle les Dimanches et les jours de fête. Les Sœurs lui témoignaient fidèlement toute l’attention qu’elle méritait.

Mère Louise Noël veillait sur elle, de peur qu’elle ne fasse une chute, mais elle était obligée de le faire secrètement, car c’était pénible pour Sœur Marie  de voir faiblir ses facultés l’une après l’autre. La dernière année de sa vie, ses dévotions étaient limitées aux prières qu’elle connaissait par cœur, de même que le cher Rosaire. Elle était enchantée de prendre part aux récréations de la Communauté, et aimait regarder toute image amusante que les jeunes Sœurs pouvaient lui montrer.

/47/ [/42/ + suite]

En 1880, lorsque les Sœurs partirent en Mission à St Louis, à la demande du Rév. J. Panken, elle en était ravie et souvent exprimait ses espoirs que ce serait une mission permanente, vu que les missions infructueuses à Philadelphie et New Orléans étaient pour elle de tristes événements. Je crois qu’elle priait beaucoup pour cette Mission, qui jusqu’à présent en a été une assez florissante, bien qu’elle ait connu de nombreuses difficultés.

[/47/] Elle était enchantée lorsque Mère Louise, à son retour, a fait le récit détaillé de la première ouverture de la Mission, expliquant comment le bon Père Panken, S.J. les avait aimablement accueillies. Très souvent, elle faisait écrire pour elle, par les Sœurs, des lettres qu’elle adressait aux Missionnaires.

En janvier 1882, on pouvait constater un changement visible. On appela le Dr. Chatard, le médecin soignant, il prescrivit des soins importants, et bien qu’il n’y eut aucun symptômes alarmants, elle était trop faible pour suivre le traitement. Elle perdit l’appétit et devint somnolente de temps à autres ; toutefois, elle était joyeuse et relata aux Sœurs de nombreux petits extraits de ses longues années de lecture.

/48/ Le 2 Février, le Rév. Père Anwander, C.S.S.R. rentrait de Savannah, Ga. où il était parti en Mission. Bien sûr, ses chers vieux enfants devaient avoir la Messe avant qu’il ne retourne à New York. Il vint visiter les Sœurs. Sœur Marie était d’humeur joyeuse et accueillit Père Anwander, car elle avait une estime particulière et une grande gratitude pour lui, en raison de son amour pour la Communauté. Père Anwander s’arrangea pour dire la Messe à 5h30 le jour suivant. Dans la soirée, Sœur Marie passa une heure plaisante de récréation, avec la Communauté, écoutant des blagues amusantes. Comme d’habitude, elle se retira pour se reposer. Vers 3h30, Sœur Philomena, qui dormait dans la même chambre, entendit Sœur Marie gémir, alors elle s’approcha d’elle. Elle semblait souffrir atrocement. Comme elle souhaitait recevoir la Sainte Communion, elle ne voulait pas interrompre son jeûne.

/49/ Tout de suite, Soeur Philomena fit part de ses craintes à Mère Louise, qui s’empressa de lui donner des médicaments. Père Anwander avait fini de dire la Messe, et présentait ses respects au Rév. W. Horman, le Chapelain se préparait à entrer dans la Sacristie pour se vêtir pour la Messe, vu qu’il y avait réception d’une Novice. Mère Louise se hâta de les rejoindre et en quelques mots lui expliqua que Sœur Marie était malade. Il demanda au Père Anwander d’aller trouver Sœur Marie, tandis qu’il dirait la Messe. Aussitôt que le Rév Père Anwander arriva à la chambre, il réalisa tout de suite qu’il n’y avait pas de temps à perdre, alors il s’empressa d’oindre la Sœur. Il oignait ses mains, lorsqu’il s’arrêta et donna la dernière Indulgence et la bénédiction, elle expira immédiatement après. La triste nouvelle fut communiquée aux Sœurs qui furent frappées par la soudaine fin de Sœur Marie, bien qu’on s’y attendait, car depuis plusieurs années elle se préparait à partir /50/ et bien qu’elle redoutait le dernier moment amer, elle était pleinement confiante en la bonté et la miséricorde de Dieu.

Le lundi 6 Février, Sœur Marie était inhumée. Les Sœurs ainsi que l’une de ses nièces, le seul membre de sa famille, car l’autre nièce ne pouvait pas être présente, ont assisté à ses funérailles.

Une Messe Solennelle de Requiem fut chantée dans la Chapelle par le Rév. F. Horman, il accompagna également la dépouille à Bonnie Brace Cemetery.

Elle était la dernière survivante des quatre premières pionnières de la Communauté.

Sœur Marie avait toujours un profond sentiment de gratitude et de révérence pour les Sulpiciens, les premiers amis de Père Joubert, 2è les Pères Rédemptoristes qui sauvèrent la Communauté de la ruine, 3è les Pères Jésuites, spécialement le bon Père Miller, qui a dirigé les Oblates pendant dix-sept années, et souvent elle disait que Père Joubert a du se réjouir de ce que ces saints prêtres prenaient soin de ses pauvres enfants.

 


©MEH - 30 juin 2023