Jeudi21Novembre33ème Semaine du Temps Ordinaire
Présentation de la Vierge Marie
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"Femme, voici ton fils ! - Voici ta mère!" ~ Mèsi Bondié pou sékou Manman Notre-Dame !

Historique du tableau de Notre-Dame du Perpétuel-Secours. [1]

           Au milieu du XV° siècle, les Turcs, ennemis acharnés du nom chrétien, envahirent quelques-unes des contrées méridionales de l’Europe. Leur cri de guerre était: Crois ou meurs! Et il fallait opter entre ceindre le turban ou tomber sous le cimeterre.

          En ce temps-là vivait, dans l’île de Crète, un honnête marchand dont la principale occupation était d’acquérir ces richesses spirituelles, que ni les voleurs ni la mort ne peuvent nous ravir.[2] Il professait une dévotion toute particulière envers la très sainte Vierge, et son trésor le plus précieux ici-bas était une image miraculeuse de Marie, devant laquelle il avait coutume de prier.

          Or, il arriva qu’un certain nombre de Crétois, craignant une irruption des Turcs, résolurent de quitter leur île. Le pieux marchand se joignit à eux; mais, ne voulant pas que l’image tutélaire de Marie fût laissée dans l’oubli ou exposée à de sacrilèges profanations, il l’emporta et la prit comme sauvegarde contre les périls du voyage, en s’embarquant sur un vaisseau qui faisait voile pour l’Italie.

          La très sainte Vierge ne tarda pas à récompenser d’une manière digne d’elle, la sollicitude de son fidèle serviteur, après avoir mis toutefois sa confiance à l’épreuve. A peine eut-on levé l’ancre, que le ciel se couvrit de nuages, la mer devint furieuse, et, en peu d’instants, une horrible tempête se déchaîna sur le bâtiment, menaçant de l’engloutir. Après une lutte désespérée, l’équipage épuisé abandonna le navire à la merci des flots. Dès lors, les passagers tremblants n’eurent plus qu’à attendre, dans une horrible angoisse, la vague qui devait les précipiter au fond de l’abîme. A ce moment solennel, le dévot voyageur, calme et tranquille en face de la mort, se souvient de sa céleste protectrice. Il découvre à ses compagnons le tableau miraculeux, et les exhorte vivement à recourir avec confiance à celle que l’Eglise invoque comme l’Etoile de la mer; puis, donnant lui-même l’exemple, il se prosterne devant l’image sacrée. A cette vue, l’équipage tout entier, ranimé dans sa foi, tombe à genoux et se met en prière. A peine ces infortunés ont-ils élevé leurs regards suppliants vers Marie, que la tourmente s’apaise; le ciel reprend sa sérénité; et, quelques jours après, le vaisseau voguant sur une mer tranquille, entrait, sans aucun dommage, dans un port d’Italie.

          Ainsi préservé du naufrage, le protégé de Marie se dirigea incontinent vers Rome, mais avec l’intention de n’y séjourner que peu de temps et de poursuivre ensuite sa route vers un but qui nous est resté inconnu. Cependant la Providence avait d’autres desseins. La sainte image était entrée à Rome pour ne plus en sortir: son possesseur, en mettant le pied dans la Ville Eternelle, avait, sans le savoir, terminé la mission qu’il devait remplir en ce monde. Au moment où il pensait quitter Rome, une maladie grave vint le retenir, malgré lui, chez un pieux ami. Comprenant aussitôt, par un avertissement intérieur, que son pèlerinage ici-bas était près de finir, il se disposa, sans tarder, à son dernier passage; puis il attendit tranquillement la mort. Cependant il lui restait au cœur un suprême désir, celui de glorifier une dernière fois sa sainte Mère. Appelant donc son ami, il lui remit entre les mains la précieuse image qui avait toujours été son principal trésor; puis, se laissant aller à son zèle pour la gloire de Marie, il demanda que cette image fût exposée et publiquement honorée dans une des églises de Rome. Son ami lui promit solennellement de ne rien épargner pour que ce vœu fût accompli; et, sur cette assurance, le dévoué serviteur de la Vierge rendit avec joie son âme à Dieu.

          Il semble qu’une promesse faite en des circonstances si solennelles, et pour un tel objet, eût dû recevoir une prompte et fidèle exécution. Mais l’épouse de celui qui l’avait formulée, prouva bien, en cette occasion, qu’elle était fille d’Eve, infidèle comme sa mère. La beauté du tableau la séduisit, et elle déclara à son époux que jamais elle ne consentirait à s’en dessaisir. Celui-ci eut beau représenter l’injustice et même l’impiété d’une pareille prétention, tout fut inutile; si bien qu’après de longs débats, les exigences de cette femme téméraire l’emportèrent sur la conscience du timide mari: le tableau fut conservé.

          La punition ne se fit pas longtemps attendre. A trois différentes reprises, Marie, apparaissant en songe à celui qui avait ainsi violé son serment, lui déclara que la sainte image se trouvait à Rome, non pas pour l’avantage particulier d’une famille, mais pour le bien de la cité tout entière. Puis, lui rappelant ses promesses et lui ordonnant sévèrement de les exécuter, elle lui prédit les plus grands châtiments s’il refusait d’obéir.

          Ces apparitions et ces menaces réitérées amenèrent entre les deux époux une seconde altercation. Cette fois encore, la cupidité resta maîtresse: le coupable mari céda de nouveau. La sainte Vierge, alors, recourut à la sévérité:

 « Je t’ai averti trois fois, lui dit-elle dans une quatrième apparition, et trois fois tu as résisté à mes ordres. Pour que je puisse sortir de ta maison, il faudra donc que tu en sortes le premier! »

           Terrible prédiction qui se réalisa bientôt. L’infortuné tomba malade et mourut peu de jours après.

          Qui le croirait? Ce tragique événement ne fléchit poing l’obstination de l’audacieuse femme. Il lui fallait, pour se rendre, des avertissements et des leçons d’un autre genre.

          Un jour, sa petite fille, ange de candeur et d’innocence, courut se jeter dans ses bras en criant: « Maman, maman, je viens de voir une grande Dame toute resplendissante de beauté, qui m’a dit: Va trouver ta mère à l’instant, et répète-lui que Notre-Dame du Perpétuel-Secours (car dès lors la miraculeuse image portait ce nom) veut être exposée à la vénération des fidèles dans une église de Rome ». Profondément impressionnée par les paroles de sa fille, cette mère obstinée allait peut-être fléchir, quand une méchante femme de ses amies, apprenant de quoi il s’agissait, lui conseilla de mépriser ce qu’elle appelait les rêves d’un enfant. Comme ce conseil avait été accompagné de blasphèmes contre la Mère de Dieu, la justice divine éclata sans tarder. La blasphématrice n’avait pas encore achevé ses criminelles paroles, qu’elle tomba à la renverse, agitée par d’affreuses convulsions. Forcée alors de rendre hommage à celle qu’elle avait offensée, elle demanda à grands cris qu’on lui apportât la sainte image. O miracle! A peine l’eut-elle touchée, que Marie, aussi prompte à guérir qu’à frapper, la délivra de son horrible mal. A la vue de ce double prodige, la veuve, jusque-là opiniâtre, s’avoua vaincue, et promit de ne pas contrarier plus longtemps les désirs de la Reine du ciel.

          Mais il restait un doute: dans quelle église fallait-il déposer le merveilleux tableau?  Marie, qui s’était servie du ministère d’une enfant pour vaincre toutes les résistances, voulut, par le même moyen, achever la révélation de ses miséricordieux desseins. Apparaissant donc de nouveau à la petite fille, elle lui dit avec bonté: « Je veux être placée entre mon église bien-aimée de Sainte-Marie-Majeure et celle de mon fils Jean-de-Latran ».

          Cette parole, rapportée par l’enfant, fut aisément comprise. Entre les deux basiliques, désignées par la sainte Vierge, se trouvait précisément l’antique, église Saint-Matthieu, dont nous avons parlé. Il était donc évident que Marie, du haut du ciel, avait jeté les yeux sur ce vénérable sanctuaire, pour en faire l’asile de sa miraculeuse image. Sur-le-champ, on se mit en devoir d’obtempérer à ses ordres: le précieux tableau fut soigneusement remis entre les mains des religieux Augustins, auxquels Saint-Matthieu était alors confié. Ceux-ci le reçurent avec reconnaissance, mais sans apprécier encore la grandeur du bienfait, et surtout sans prévoir jusqu’à quel point Notre-Dame du Perpétuel-Secours allait illustrer ce nouveau séjour, enrichi déjà de tant de nobles et précieux souvenirs.

 

        [1]  Extraits de Achille Desurmont, Dévotions - Sacré-Cœur de Jésus - N.-D. du Perpétuel-Secours - Saint Joseph, Paris, Librairie de la Sainte-Famille, 1907.  Affiché en ligne à la page:  http://www.spiritualite-chretienne.com/marie/secours.html  

        Ces textes sont très utiles, malgré le langage de l’époque, pour situer les événements qui ont conduit l’Église à vénérer d’une manière particulière l’icône de l’actuelle église saint Alphonse sur la voie Merulana, et pour comprendre comment la dévotion, c’est-à-dire l’attache­ment de notre peuple à Notre-Dame, considérée comme Mère du Perpétuel Secours, s’est dévelop­pée en communion avec toute l’Église.

        [2] Thesaurizate autem vobis thesauros in caelo ubi neque aerugo neque tinea demolitur et ubi fures non effodiunt nec furantur (Matth. VI, 19).